vendredi 13 janvier 2017

Ma période Bob Dylan

Bob Dylan
dans les années 70

« Je mène une vie monotone.
Je n'ai même pas l'occasion de me faire des ennemis. » p.138
 
Faux! Mais pourtant, il y a au moins deux ou trois personnes autour de moi qui refusent de me voir.   Vrai comme je suis là!   L'une d'elle me tourne le dos, à l'épicerie; l'autre va jusqu'à traverser la rue pour emprunter le trottoir opposé, si par hasard ou par malchance, nous avons affaire à nous croiser.  Faute de quoi, elle baissera les yeux à mon passage. Pour l'amour du Ciel, pourquoi, cette personne ne veut-elle, ou ne peut -elle pas, rencontrer mon regard?   
 
Admettons que je n'ai pas le talent pour écrire des romans.  Dieu soit loué, j''aurais choisi ma propre personne pour personnage central ...! Et aurais passé tout mon temps à me bercer d'illusion sur le balcon par les beaux soirs d'été des Indiens, et cela jusqu'à l'hiver.   
Sauf que: « À cinq ans, il avait tenu la tête de sa petite sœur sous l'eau de la rivière Saint-Jean jusqu'à ce qu'elle ne se débatte plus. Juste pour vivre l'expérience de la mort. » p. 103 
 
Tu parles d'un méchant psychopathe, toi!
***
Inutile de chercher où je veux en venir, cher Rob. Je devine très bien que tu me regardes avec suspicion. Que tu ne sais plus par quel angle mort me tourner pour arriver à saisir, ne serait-ce qu'un tout petit bout de réalité - bien réelle -  question de mériter que tu me prennes au sérieux.
 
Je les vois à travers ma vision périphérique  me scruter à la loupe en se demandant si le fait de trop  lire d'histoires à boire debout et à dormir assise,  n'affecte pas mon pauvre ciboulot. Je sens leur inquiétude à mon égard. C'est bien simple, on s'étonne que je puisse lire autant de livres à la fois, pour te dire autant de sujets différents.
Bof!
 
Cela dit, «Le Secret de Dieu»  m'amène dans un monde passé de mon existence, enfin celle que j'ai vécue il y a plus de 40 ans, alors que j'ai dû me réfugier à Ottawa pour cause de raisons très personnelles. À ce moment-là, j'habitais la rue Springfield située dans Rockcliffe Park.
 
«La voiture avait traversé la rivière Rideau vers l'est. Elle poussa sur Beechwood. Quentin supposa qu'ils allaient dans le quartier de Rockcliffe Park ou de New Édimbourg, équivalents de Westmount ou des Hamptons à Ottawa.» p. 150   

Ma rue s'arrêtait juste à la rue Beechwood, les deux étant perpendiculaires l'une à l'autre.
Alors voilà que ma mémoire, qui a pris l'habitude de me lâcher à tout bout de champ, s'est remise en marche comme une vieille horloge grand-mère qu'on aurait remontée bruyamment,  dans le grenier poussiéreux de ma vie «monotone». 
 
Un premier souvenir m'apparaît comme dans un vieux film d'Hollywood. À cet endroit, au huitième de mon immeuble, ma première amante et colocataire louait une chambre à une jeune fille originaire de la Colombie britannique, et qui poursuivait des études à  l'université d'Ottawa, à l'époque. 
Cette jeune fille s'appelait  Margaret Sinclair, et le hasard faisait qu'elle avait de nombreux amis qu'elle recevait dans sa chambre. Sauf un qui,  lui, ne montait jamais à l'étage. Il préférait l'attendre devant l'entrée principale au volant de sa vieille Mercedes.
 
J'ignore si le nom de cet homme te dit quelque chose, mais il était déjà  à l'époque  un politicien,  ou soit très controversé surtout au Québec, ou soit très populaire,  dans le Canada anglais.  Bref, difficile de l'oublier;  son fils lui succède aujourd'hui depuis la dernière élection  générale au pays, il y a à peine deux semaines. 
Puis enfin un autre flash me prend par la main et m'amène ailleurs. Cette fois-ci, il s'agit de la Côte-de-Sable, « ancien quartier huppé en voie de rénovation » note l'auteur, là où habitait Quentin, le héros de son roman,  dans un appartement  situé au bord de la rivière Rideau.  
 
Le quartier Côte-de-Sable, à Ottawa se situe au sud-est du centre-ville.  Il est délimité par la rue Rideau au nord, la rivière Rideau à l'est, le canal Rideau à l'ouest et la 417 au sud.  Le campus de l'Université d'Ottawa y occupe une portion non négligeable, si bien que le quartier est considéré comme celui "des étudiants", ce que j'étais à ce moment-là.    
La pire chose qui puisse m'arriver dans la saga de mes nombreux déménagements, c'est que je m'emmêle dans les rues de ce quartier que j'ai tellement aimé.  

Pourtant ne l'ai-je pas assez marché en  long et en large, habitant un superbe appart sur la rue Stewart, et un autre plus près de l'Université, sur la rue Wilbrod. Là,  j'y avais peint en orange les murs du salon et en bleu marine ceux de la chambre à coucher. Et c'était là aussi,  où j'écoutais durant des nuits entières  le chanteur Bob Dylan, dont je portais fièrement la même coiffure.   
Mais des souvenirs qui ont laissé des brûlures vives et douloureuses m'arrêtent ici.  Rassure-toi, mon ami, j'y reviendrai. J'ai bien l'intention de lire deux livres en même temps,  en commençant aux aurores rouges, s'il le faut.  
2 novembre 2015

______________

 Cette chronique a été  aussi mise en ligne sur http://projetgigantesque.blogspot.ca/2015/11/souvenirs-doutre-terre.html