mardi 7 avril 2009

Dans l'antre des âmes perdues

L’apostasie? Le mot qui fait frémir les bonnes âmes, ces temps-ci. Les perdues, les éperdues et bien sûr, celles qui carburent et perdurent à l’aune de la foi à toute épreuve ou bien chancelante, à celle aussi surtout de l’indifférence, de l’insouciance, de l’inconscience, de l’ignorance et de la peur. De quoi, me direz-vous? Mais du Gouffre, voyons!

Toujours est-il que, lorsque j’en ai parlé avec notre amie Nicole, l’autre jour,  elle avait l’air de savoir très bien les raisons qui l’ont amenée peu à peu et cela dès l’âge de six ans, d’abord, à devenir athée, et, aujourd’hui, apostasiée. Et moi, ça été le désarroi catastrophique, car comme d’habitude, je suis restée sur mon quant-à-moi, la mémoire m’ayant encore une fois lâchée en plein milieu de nulle part. Mais voilà, que cela m’est revenu tout d’un coup dernièrement comme dans un éclair! Avec aussi, un grand coup de tonnerre à l'appui!

Quand j’y repense, combien de fois n’ai-je pas entendu mon père s’en prendre à la religion catholique? Mais pourquoi donc le faisait-il toujours avec une si grande colère? Des fois, on aurait dit qu’il en voulait à quelqu’un en particulier, à quelque chose de précis … À travers ses paroles, on pouvait presque ressentir sa haine lorsqu’il discutait de ça. Mais, d’où lui venaient donc cette colère et cette haine?

Aujourd'hui, j’ai ma petite idée là-dessus. Orphelin dès l’âge de trois ans et élevé par les bonnes sœurs jusqu’à l’adolescence, c’est dans un geste de charité bien ordonnée qu’il a été confié par l’une de ses tantes qui en avait momentanément la charge, aux bons soins des grands clercs de la foi chrétienne.

Mangeuse de balustrade convaincue, tante Zoé rêvait alors d’en faire un prêtre, un moine ou que sais-je encore, peut-être un bedeau …! Combien d'indulgences plénières ou de promesses d'un aller direct au paradis à la fin de ses jours, a-t-elle été gratifiée pour ça? Allez donc savoir!

Depuis l’affaire des orphelins de Duplessis, des révélations nous ont appris qu’à l’époque prévalait un climat de pédophilie ambiante dans divers milieux, au sein desquels des prédateurs religieux et leurs supérieurs-complices faisaient régner un lourd silence. Mais bien avant les orphelins de Duplessis, à l’instar de milliers d’autres jeunes garçons de son âge, orphelins et pauvres de surcroît, je suis prête à mettre ma main au feu que mon père ait été exposé à des abus douteux, voire douloureux, y compris sexuels durant ses longues années au Petit Séminaire de Québec.

En tout cas, cela expliquerait clairement les comportements sexuellement erratiques qu’il a pu avoir au cours de sa vie et qui ont fait en sorte, qu'on peut dire sans se tromper, qu'il n'a pas été l'enfant de choeur que sa tante Zoé aurait souhaité qu'il devienne ...! À ce sujet-là, il m'a fallu entendre moult histoires d’horreur et de pesante noirceur que maman m’a dévoilées ces derniers mois, pour m'ouvrir les yeux! J'ai été complètement atterrée. Dans son cas, il y avait urgence de faire la paix avec son âme avant de mourir à son tour.

Attendez, que je me souvienne … À travers toutes nos discussions, mon père aura au moins réussi à me convaincre qu’il faut chercher ailleurs que dans la religion pour trouver la vérité. Pour lui, l’Église avait toujours été historiquement la grande rivale de la science qu’elle a combattue sans relâche,  en condamnant à mort de nombreux penseurs, hommes de sciences, etc. Comment peut-on se fier à cette institution pour connaître la vérité? La foi à tout prix en leur dieu, en leurs mensonges, en leur infaillibilité et leurs errements, et en combien de dogmes et autres certitudes, les catholiques de tous les temps ont-ils été forcés de croire depuis deux mille ans?

Puis, à travers l’assourdissante vague de protestation et de remise en question qui a déferlé tout au long du siècle dernier, les nouvelles générations qui ont suivi ont ressorti des limbes un certain philosophe prônant l’athéisme. Un siècle auparavant, ce philosophe allemand avait jeté un pavé dans la mare aux canards: «La religion est l’opium du peuple». Comme cela a dû scandaliser bien des gens de la génération de mon père ...!

Même encore de nos jours, on n’en finit plus de commenter abondamment cette déclaration. À preuve, cette citation que j'ai choisie dans l’Internaute et qui ne fait que re-dire et re-confirmer, que la religion et l'État ont toujours été de connivence. Ce que mon père croyait dur comme fer d'ailleurs : «La religion est l'opium du peuple, qu'elle soit fondée ou non, la religion permet aux populations de rester sereines et confiantes. Par conséquent, le pouvoir en place a plus de marge de manoeuvre.» (09 octobre 2008)

Mais pour moi, toutefois, cela a cessé d’être une hérésie à partir du moment où j’ai enfin compris que la réalité crevait les yeux. Il était clair que la religion préférait garder les peuples et des populations entières sous le joug de l’ignorance, de l’hébétude et de la peur afin de mieux contrôler leurs âmes, leurs corps et leurs esprits. D’ailleurs, on a vu, ces dernières semaines, à quel point la religion exerçait encore son emprise et son influence abêtissantes, en Afrique et en Amérique du Sud, entre autres, pour s’en rendre compte. Comme Nicole, moi aussi, je crois que certains papes ont été de grands criminels. Et Benoît XVI, le pape actuel, serait l’un de ceux-là par ses silences qui consentent et ses diktats qui rendent sourds ...

Bien sûr, je ne me rappelle plus si mon père en parlait, mais le sort que la religion a réservé aux femmes à travers l’histoire de l’humanité, m’a beaucoup révoltée. Infiniment. Ne l’a-t-on pas considérée comme un trou (saint Thomas d’Aquin) … un être sans âme (saint Augustin), bref, un dérivé d’humain, un être impur, une esclave de l’homme et j’en passe? Encore aujourd’hui, en 2009, le machisme du Vatican a atteint un sommet d'aberration à l’occasion de la Journée de la Femme, le 8 mars dernier, en déclarant dans leur média officiel, que la femme s’est vraiment libérée depuis l’avènement de la machine à laver … Quelle insignifiance, doux Jésus ...!

Au fur et à mesure de ma quête de connaissances, l’expérience m’a appris que la folie et la perversion chez certains hommes de religion, n’aura jamais été un exemple de vertu et par cela, ne leur ont octroyé aucun droit de donner ou de faire des leçons à quiconque.

Une vraie patate chaude pour l’Église, que la sexualité! Je n’en parlerai ici qu’en rapport avec mon orientation sexuelle. Pour cela, je citerai Andréa Richard (quelle coïncidence, en effet …!) qui dans son livre Au delà de la religion, écrit : «En ce 19 décembre 2008, Hervé Couturier nous fait part, dans le journal Le Devoir que, les Nations unies évoquant l’universalité des droits de l’homme, un tiers des pays du monde ont lancé un appel historique à la dépénalisation universelle de l’homosexualité, malgré l’opposition active de plusieurs États arabes et du Vatican. N’est-ce-pas scandaleux, ce mépris du Vatican envers les homosexuels, alors qu’en son sein de très nombreux prêtres sont homosexuels?»

J'ai souvent trouvé curieux que mon père accepte aussi naturellement mon homosexualité. Cela n'avait rien à comparer avec ma mère qui gérait infiniment mal sa honte qu'elle avait de moi ... À l'époque de mon irlandaise de blonde, cela me surprenait beaucoup, soit, mais je n’en faisais pas trop de cas. Tandis qu'aujourd’hui avec le recul, n’était-ce-pas suspicieux de sa part …?

Enfin, si j’ai mis tant de temps à comprendre que je pouvais me passer de religion, c’est que j’ai dû attendre le courant de mon époque. Mais, aujourd’hui, est-ce que croire en une Force ou une Énergie en nous mais venant d’ailleurs, qui nous permet de donner, de transmettre et de recevoir, fait de moi une croyante ou une athée? De toute façon, cela m’est tout à fait égal et sans importance.

Mais chose certaine, et cela depuis longtemps, ce dieu inventé ou créé par des hommes dans le but obscur de s’approprier des pouvoirs sur les sociétés et sur d’autres hommes ne fait plus partie de mon écran radar. En revanche, je regrette infiniment qu’il y ait eu tant de gens qui aient vécu cela. Mon père et ma mère font partie de cette génération. Quant aux autres, c’est leur affaire; le grand Livre des Connaissances sont comme la loi, c’est-à-dire, à la portée de tous.

Enfin, ces derniers temps, est venu le moment fatidique. Pourquoi y rester, si je peux m’en passer? Cela ne changera rien dans ma vie, si j’en sors. Jusqu’à, il y a peu de temps, je croyais que la chose était impossible à réaliser. Je croyais que cela exigeait des démarches et des procédures compliquées à n’en plus finir. Exorbitantes, en plus! Mais non!

Je ne crois pas que mon père ait lu Karl Marx  lors de son passage au Petit Séminaire de Québec. Mais, par contre, je suis persuadée que s'il vivait encore aujourd'hui, il serait probablement déjà apostasié à l'heure qu'il est.

May West, lundi 6 avril 2009