lundi 16 février 2009

La norme

À mort, les droguées, les alcooliques, les âmes en peine ou en thérapie, les malheureuses exes en instance de rupture et toutes les vilaines porteuses de bibites! Évidemment, au rancart aussi les balafrées, les ridées, les vieilles, les fumeuses, les doubles mentons, les yeux pochés, les ordinaires, les imparfaites, les grosses, les maigrichonnes, et j'en passe! Que recherche-t-on au juste? Des vierges vénusiennes? Des images de magazines à la mode?

Depuis quelque temps, avez-vous remarqué la même chose que moi lorsque vous lisez le contenu de certaines annonces de lesbiennes dans les sections de rencontres? Je ne veux pas offenser qui que ce soit, mais on croirait parfois s'y faire débiter la liste d'épicerie de Mme Chose… C'est que la manie de plus en plus courante de définir dans le menu détail ce qu'on ne veut surtout pas "acheter" est devenue, comment dirais-je, la norme.

S'agirait-il de jeunes adultes issues de la génération des enfants-rois qui ont appris qu'il est tout à fait naturel de pécher soit par égoïsme, soit par individualisme? Ou encore, d'un vieux travers de la nature humaine qui ferait croire que la perfection existe en ce monde dans la mesure où l'on a l'habitude de se contempler soi-même, devant un miroir aux alouettes? Ici, je donne ma langue au chat.

Quoi qu'il en soit, à mon humble avis, le fait de procéder ainsi par élimination ne signifierait-il pas qu'on cherche à se prendre ou se faire prendre pour une autre, comme on dit? Pas étonnant que l'enfer soit pavé de bonnes intentions devant tant d'insatisfaction! En outre, ne donne-t-on pas, par la même occasion, l'impression que notre petite personne, toute persuadée qu'elle est, ne mérite rien de moins que la crème de la société?

Hélas! Cette forme de sélection a pour effet dévastateur, entre autres, de repousser l'autre jusque dans ses retranchements les plus profonds: ceux du rejet et du désespoir. Comme si, de toute évidence, le vécu de l'autre n'avait aucune valeur et ne méritait même pas que l'on y investisse un brin d'humanité.

Pas facile, en effet, de vendre sa peau sans déchirer sa chemise. Lorsque vient le temps de se mettre en valeur dans une annonce de rencontres, on peut comprendre qu'il soit normal que plusieurs ne sachent pas trop comment s'y prendre. De plus, pour d'autres, la plume et l'imagination ne sont pas nécessairement des instruments qu'on leur a mis entre les mains en venant au monde. Pour celles-là, certes, l'exercice est donc fort laborieux.

Mais, de manière générale, comment se décrire sans avoir l'air de se vanter? Enfin, comment expliquer clairement ce que l'on cherche, sans pour autant blesser ou décourager la personne qui nous lira?

"En plus de naviguer des heures durant sur Internet, je pratique quelques sports, avec un faible évident pour le golf. J'aime la lecture, la musique, la nature, les bords de mer et les couchers de soleil. J'aime écrire. C'est pour moi une seconde nature avec laquelle je dois composer. Cela ne fait pas de moi une personne romantique pour autant. Par contre, je suis souvent distraite. Un conseil: si vous me parlez, assurez-vous que j'aie l'oreille bien branchée.

Ayant les deux pieds sur terre, je suis plutôt réaliste. Jusqu'à ce jour, j'ai pas mal fait le tour du jardin des illusions. C'est la raison pour laquelle j'apprécie le contact des gens sincères si je sais qu'ils n'abuseront pas des autres. Toutefois, je fuis autant que possible la meute des viragos qui cherchent à épater la galerie. Pas du tout mon genre! J'évite également de me pavaner dans les bars. Mon Dieu! Aurais-je tellement vieilli?

Hélas! Je n'ai aucun talent particulier pour la cuisine. Si ça vous intéresse cependant, je déteste les fruits de mer, mais j'adore les asperges... Non. Plus j'y pense, je ne crois pas que je sois un oiseau rare. Encore moins une perle!

Mais, si vous avez un chat, j'aimerais que vous m'en parliez abondamment. Je suis convaincue qu'il se chargera de briser la glace. Je le sens. Enfin, je regrette d'établir cette mise en garde: si vous buvez trois verres pendant que je n'en bois qu'un seul, ne vous donnez pas la peine."

Cette description de mon cru vaut ce qu'elle vaut! Tout y est relatif. Un peu 19e siècle, je l'admets! Mais si vous y voyez quoi que ce soit d'inapproprié ou d'inconvenant, j'aimerais qu'on me le dise. N'empêche qu'un beau jour, une personne de mon âge au sourire troublant l'a lue et a pris la peine d'y répondre.

Certes, mis à part le golf que nous avions en commun depuis le début, ce n'est qu'au bout de quelques rencontres, de nombreux messages à mots couverts et appels téléphoniques empreints d'une belle complicité, que nous avons découvert au fil du temps, et cela malgré toutes nos imperfections, qu'il valait le coup d'investir dans une relation à long terme.

C'est ce que l'on appelle "donner la chance au coureur"… après avoir bien regardé l'autre en face avec un regard autre que celui des apparences.

Élections américaines: des lesbiennes de marque!

Tammy Baldwin, démocrate à la chambre de l'État du Wisconsin
Christine Kehoe militante lesbienne et Procureure en Chef à San Diego

Au plaisir,
Denric

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