lundi 16 février 2009

Les noces de froment

Ce matin-là, j'ai déballé une petite carte virtuelle qui m'avait été envoyée la veille en disant ceci: "Te souviens-tu que c'est cette journée de la Ste-Catherine que nous avions choisie pour célébrer l'anniversaire du début de notre amour. Je profite donc de cette belle soirée pour te redire mon amour. Je t'aime et te bise... Ta Brune grisonnante"

C'est comme si la lame d'un petit couteau de cuisine venait de me traverser l'esprit! Bien sûr! On en avait parlé quelque temps auparavant, mais rien de bien précis n'avait suinté de nos conversations. Alors là, il fallait faire quelque chose! De concret! Ce n'est qu'un peu plus tard au téléphone, après de longues minutes de tergiversations, de silences et de soupirs, qu'on a fini par s'entendre pour une sortie le même soir. Direction? Le Village gai. Restaurant? On trouvera bien.

Je me suis aussitôt mise à la recherche des différents anniversaires et de leur signification et voilà que pour la période de trois ans, j'ai appris qu'il s'agissait des noces de… froment! Mais ça mange quoi en hiver, ça? Peu de temps après, je suis tombée par hasard sur un site personnel européen.

"Comme nous nous connaissons déjà mieux, fêtons ensemble notre amour, pain de vie, blé que l'on sème, qui germe, qui nourrit. Etc.

Suggestions de cadeaux: Faites faire un pain de mariage, un pain surprise...

Suggestions de voyages: Week-end en Hollande ; les moulins au moment des tulipes"

C'était bien beau tout ça, mais mis à part le week-end en Hollande où le simple plaisir d'égarer une balle de golf dans un champ de tulipes coûte un bras, et où les battements des moulins sont bien trop étourdissants pour mon goût, si vous pensez que je me voyais, moi, me mettre à cuire un pain-surprise de mariage au froment! Même si j'avais eu les plats et le tablier, la recette, vous y avez pensé vous?

Or considérant tout cela, c'est évident que j'aurais préféré que ce soit les noces de cuir (2 ans) puisque là, au moins, cela m'aurait donné l'occasion de remplacer le porte-monnaie qu'elle s'était fait voler en septembre dernier. À la rigueur, je me serais satisfaite des noces de Cana en lui offrant une bouteille de vin.

Mais le froment! Même si on en faisait des pâtisseries ou des crêpes, peine perdue pour moi d'essayer d'en trouver dans mon patelin! Il m'aurait fallu me rendre je ne sais pas, moi, à Tombouctou peut-être? À tout hasard, je me suis renseignée auprès d'elle à savoir si jamais elle n'avait pas besoin de farine…!

Ça, au moins, c'est certain que j'en aurais trouvé en vrac tout près de chez-moi. Donc, pas si simple que ça de célébrer des noces de froment!

Vous devinez bien que toutes ces réflexions d'une mesquinerie sans bon sang n'avaient pas, au fond, vraiment d'importance pour nous deux. Du froment, on s'en fichait bien! Notre soirée n'avait rien à foutre de cette farine, mais pas du tout…

Toujours est-il que, c'est finalement à L'Indépendant que nous avons jeté notre dévolu. Oh! Je sais! Vous allez m'en suggérer des quantités d'autres! Mais attablées en amoureuses derrière une grande fenêtre, cet endroit avait tout de même l'avantage de permettre à ma douce d'y surveiller sa voiture stationnée juste à proximité. Alors? Romantique à souhait et arrosé d'un bon vin rouge, ce repas s'est avéré un beau succès...

De la couleur et des yeux

En réalité, il n'y a que dans le Village où, sans se sentir mal à l'aise, l'on peut tenir la main de son amoureuse pendant le repas. C'est évidemment là aussi, où sans avoir peur d'être épiée, que j'ai pu admirer à la lueur de la chandelle ses joues empourprées et ses beaux yeux mordorés. Comme ceux de Diane… Ah! Salut à toi Anne Michel!

Or, ce soir-là, en l'observant à la dérobée, voilà que j'ai senti tout à coup monter en moi un flot d'émotions si intenses que mes yeux ont fini par s'emplir d'eau. On aurait presque dit des larmes. Allez savoir pourquoi j'ai décidé de choisir cet instant particulier pour lui ouvrir mon coeur!
- Je t'aime! lui ai-je dit simplement.
Posant sur moi un regard plein de tendresse, elle m'a répondu aussitôt.
- Moi aussi, je t'aime!
Le vin était bon et l'atmosphère douce et chaleureuse. Deux messieurs s'exprimant en anglais venaient tout juste d'entrer. Promptement, la serveuse les a installés à la table voisine de la nôtre pendant que mon amoureuse et moi bavardions à voix basse de tout et de rien.

Certes, nous appréciions toutes deux, et cela malgré notre âge, la chance inouïe d'avoir pu nous rencontrer trois ans plus tôt. Puis parlant de la fierté gaie, mon amoureuse m'a réitéré ses objections à ce sujet. C'est vrai qu'il est souhaitable que ce vocable de "fierté" soit éventuellement remplacé par un autre concept. Enfin, ce n'était pas ce soir-là la veille qu'on changerait ça!

À l'extérieur, le va-et-vient de la rue battait son plein en dépit qu'il s'agissait d'un soir de semaine. D'un oeil distrait, elle s'est mise à surveiller les allées et venues autour de sa voiture. De fait, avant de pénétrer dans le restaurant, nous y avions remarqué plusieurs jeunes itinérants qui s'affairaient sur le trottoir d'en face. Or, me sentant soudainement mise à l'écart dans ses pensées, voilà que je n'ai rien trouvé de mieux qu'une petite boutade pour attirer son attention.
- Alors, tu ne me regardes plus? La couleur mes yeux ne te plaît pas?
- Voyons donc! Quelle question idiote, mon petit coeur! dit-elle en se tournant de nouveau vers moi.

Sa main par-dessus réchauffait la mienne. Il fait toujours si froid les soirs de novembre. Ses beaux yeux brillaient d'un vif éclat. Son sourire était merveilleux.
- C'est vrai, a-t-elle continué, que pour les yeux, le bleu n'est pas ma couleur préférée…
Puis, après une pause qui a peut-être duré un quart de seconde.
- … mais, le bleu des tiens est le plus beau que je n'aie jamais vu!

Pour être franche avec vous, cette déclaration a provoqué un certain branle-bas dans mon estomac. D'abord, bien que cela fasse toujours un petit velours de savoir qu'on apprécie la couleur de vos yeux, il n'en reste pas moins que je venais de réaliser que mon amoureuse avait plus de mérite que je ne l'avais cru auparavant. Car, en outre, pourquoi ne pas m'avoir dit avant que mes yeux n'étaient pas exactement comme ceux qu'elle aurait souhaités? Un peu à l'envers il va sans dire, mais surtout piquée par la curiosité, j'ai finalement osé cette question qui me brûlait les doigts.
- Mais qu'elle est donc ta couleur préférée?
- Le noir! m'a-t-elle répondu le plus naïvement du monde.

Ah bon! Non, jamais elle ne m'avait encore dit ça! Trois ans déjà… Mais combien de petits secrets aussi anodins que celui-là nous reste-t-il encore à découvrir sur nous-mêmes? "Comme nous nous connaissons déjà mieux…" Heureusement qu'il y a des noces de froment!

JOYEUSES FÊTES À VOUS TOUTES!

Au plaisir,
Denric

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